Oubliez le petit champignon de Paris. Bienvenue dans l'univers de Vincent Prévost, où textures, saveurs et couleurs rivalisent pour rendre hommage à l'hétérogénéité du champignon québécois, et le célébrer. Mais avant, remontons aux débuts de l'entreprise Coupe Champignon, dont il est copropriétaire.
Pour la petite histoire – de fraise à champignon
Démarrer une entreprise dans une production émergente peut paraître périlleux. Mais Vincent Prévost a longtemps pratiqué le ski freestyle, un sport « casse-cou », admet-il. Les sauts dans le vide, il en a vu plus d'un.
Sa découverte du champignon est un peu le fruit du hasard. C'est un atelier d'initiation, auquel un ami producteur de champignons l'invite (Ferme des Sept Crans), qui fait naître l'étincelle. La facilité avec laquelle ce petit légume pousse, de jour en jour, le fascine. Il nourrit sa curiosité en suivant plusieurs formations pour apprendre les rudiments de la culture du champignon. Il complète ses acquis avec un certificat en agriculture à l'Université Laval.
En 2019, celui qui deviendra son partenaire d'affaires achète le Moulin du Grand Sault. Il s'agit d'un bâtiment patrimonial situé à Saint-Raphaël de Bellechasse, qui servait à l'époque de centrale hydroélectrique. Le projet était de remettre la centrale en marche et de produire des fraises en serre. Il embauche Vincent Prévost à titre d'ingénieur spécialisé en efficacité énergétique. De fait, Vincent est chargé de l'ingénierie du système de chauffage des serres.
Mais tranquillement, le projet initial se transforme. En fait, Coupe Champignon est née d'une conjoncture d'événements et, surtout, de la rencontre d'une petite équipe polyvalente, ayant une diversité de talents et de champs de connaissances.
En janvier 2020, ce sont donc des conteneurs maritimes destinés à la pousse de champignons qui sont livrés sur les lieux. Et Vincent pilote la mise en place du nouveau projet. Tout était à inventer : les aménagements, les équipements, la chaîne de production... Il se souvient d'avoir eu le vertige, mais ce projet, c'était exactement ce dont il rêvait : un travail qui le passionne, hautement stimulant.
L'année 2021 marque le début de la production pour Coupe Champignon. À sa première année, l'entreprise réussit à produire plus de 2 500 kg de champignons, en une douzaine de variétés. Et ce qui est d'autant plus remarquable, c'est qu'en pleine pandémie, le nouvel entrepreneur se bâtit une clientèle de choix, et fidèle!
Faire des affaires à l'ère des réseaux sociaux
Alors qu'il est inconnu du milieu, Vincent cogne aux portes des restaurants gastronomiques. Les dégustations sont concluantes. Les chefs se passent le mot : la qualité et la variété de ses champignons font jaser. Et, fait non négligeable, leur présence sur les réseaux sociaux séduit.
« Je suis vraiment de l'ère des réseaux sociaux, nous confie Vincent. La stratégie pour faire connaître mon produit est construite autour de ça : un nom d'entreprise accrocheur, un logo et des photos. » Ces photos sont de petits chefs-d'œuvre, et surtout, elles mettent assurément l'eau à la bouche!
Les chefs cuisiniers l'ont compris. Ils diffusent sur les Instagram de ce monde des images de repas cuisinés avec les produits de Coupe Champignon, ce qui leur vaut des appels d'autres chefs, dont la curiosité est piquée. L'opération charme est réussie.
La clientèle est l'un des éléments qui rend Vincent le plus fier dans son parcours jusqu'ici. « Être dans des restaurants de renommée, à l'année. Que les chefs soient contents et qu'ils en redemandent. Et aussi, le fait qu'on soit partis de rien. C'était une passion personnelle. Je cultivais dans mon appartement par plaisir, et maintenant, on récolte quelques centaines de kilos de champignons par semaine! »
Démarrer une entreprise dans une production émergente, c'est aller en zone hors-piste. Il faut expérimenter. L'expertise et les ressources sont plus rares. Néanmoins, Vincent a trouvé les sources de financement espérées. Il a eu notamment recours à La Financière agricole, une intervention qui lui a permis de mettre rapidement son projet et celui de ses associés sur les rails.
Aujourd'hui, tout indique que l'entrepreneur se démarque dans son secteur au Québec. Les producteurs de champignons sont encore peu nombreux, et plus rares sont ceux qui se sont dotés d'équipements automatisés, qui produisent plusieurs variétés, et ce, à l'année.
Coup de cœur pour le champignon
Vincent est convaincu que la production de champignons est appelée à connaître une forte croissance au Québec d'ici dix ans. « Il y a aura beaucoup de nouveaux producteurs, et il y a de la place pour beaucoup de gens. » Il estime que plus les producteurs seront nombreux, meilleur ce sera pour tous, car le champignon sera mieux démystifié, mieux connu de la population et recherché.
Il raconte que la pandémie, notamment, a créé une occasion pour les gens de marcher dans les bois, de découvrir les champignons et de s'intéresser à la cueillette. L'engouement est déjà palpable, selon lui.
S'il a dû en bonne partie tout découvrir par lui-même au commencement de ses activités, Vincent dit être « pour la démocratisation du savoir ». Il joindra sous peu un groupe de réseautage où il agira comme référence pour les gens désirant se lancer dans ce secteur.
Et si, à lui, on demandait conseil pour réussir dans une production émergente? « Garde ta passion en premier plan. Et crois à tes buts, peu importe ce qui arrive. Il faut foncer, tout finit par se placer quand les intentions sont bonnes », nous répond-il.
Un avenir à l'infini
Fort d'un démarrage réussi, Vincent vise une croissance saine pour l'avenir de son entreprise, un rendement optimal, une expertise plus poussée de son équipe et la diversification de ses activités. Il envisage de fournir d'autres producteurs en blocs de culture et de cultiver le mycélium, soit la partie végétative du champignon, pour laquelle « il y aura sans doute un marché à combler ».
Mais d'entrée de jeu, Vincent nous met en garde : « Je ne veux pas être une usine à champignons. » Il insiste : il projette de continuer à vendre des champignons frais, à miser sur la fraîcheur, la qualité et la variété. Et aussi, à s'amuser et à explorer.
Car Vincent en est convaincu, les possibilités de ce petit légume sont à l'infini. « Il y a des milliers d'espèces au Québec. Le champignon est un monde en soi. »
La Financière agricole est fière de souligner la réussite des entrepreneurs de la relève.
La Financière agricole a marqué un très bon coup en développant une approche singulière pour aider les producteurs en démarrage dans des productions non traditionnelles.
Nous avons une équipe spécialisée dans les productions émergentes et l’accompagnement de la clientèle dans ce secteur est notre priorité numéro un. Entre autres, nous faisons beaucoup de recherches sur le secteur en question pour nous assurer de bien comprendre les enjeux auxquels la clientèle peut faire face. De plus, on fait des suivis réguliers auprès des entrepreneurs pour voir comment leur projet évolue et s’ils ont besoin d’être guidés.
La version abrégée de cet article est parue dans l'édition du 6 avril 2022 de La Voix du Sud.