À huit ans, Sarah Lussier demande un cadeau à ses parents : avoir son jardin. Puis, elle grandit. Elle étudie en agriculture. Elle lit le plus souvent possible des publications scientifiques sur le sujet. Elle travaille à l’Institut de recherche et de développement en agroenvironnement (IRDA). Tôt dans son parcours, elle perçoit une nécessité d’innover et de découvrir les modèles d’avenir en agriculture durable. Il lui semble que l’agriculture traditionnelle, avec ses enjeux environnementaux, est un modèle à parfaire. « Si on continue ainsi, on s’en va droit dans le mur », constate-t-elle. En 2016, elle part pour explorer ce qui se fait en Europe. Sa passion innée pour l’agriculture se cristallise peu à peu en un projet concret.
Nouvellement née, la Ferme Verti se situe à Cap-Santé, dans une ancienne étable. Actuellement en démarrage, la ferme intérieure en culture hydroponique compte produire à l’année des fines herbes québécoises et des micropousses sur des étagères industrielles. L’objectif de l’entreprise, du moins pour sa première année d’activité, est de vendre des produits locaux pour desservir principalement les épiceries et les restaurateurs de la région.
« Pour l’instant, nous explique Sarah, plusieurs producteurs sont comme nous, dans la recherche et le développement. On concrétise des idées. On recherche des solutions, des façons ingénieuses de faire de l’agriculture. On y va selon ce qui se trouve dans la littérature, par essais et erreurs. Ça prendra de la persévérance. Nous n’avons pas la recette secrète. »
De défis en réussites
Il existe peu d’entreprises sur le modèle de la Ferme Verti au Québec. Même dans le monde, la jeune entrepreneure en aurait répertorié environ 500. Compte tenu de sa nouveauté, l’agriculture verticale représente un véritable enjeu, du point de vue des connaissances, mais aussi sous bien d’autres aspects, entre autres le recours nécessaire à des technologies de pointe et le climat du Québec en hiver, avec les coûts d’électricité qui y sont associés.
Le financement est l’un des grands enjeux de la culture hydroponique. Les investissements de départ sont très élevés en raison des équipements requis. Sarah et son conjoint, Dominic Martel, ont d’ailleurs cogné à plusieurs portes pour trouver des partenaires d’affaires. Ils n’ont essuyé que des refus. Ils ont saisi chaque occasion pour faire évoluer leur plan d’affaires. « Pendant ces démarches, nous avons été beaucoup mis au défi. Ça nous a permis d’être prêts. »
Prêts, et solides! Katherine Guay, conseillère en financement à La Financière agricole, en avait été impressionnée : « J’ai conseillé beaucoup de jeunes producteurs. Eux, ils font partie de la crème des promoteurs de la relève. Ils ont fait preuve d’ouverture, ils ont su construire avec la critique, poursuivre leurs réflexions et trouver les réponses et solutions concrètes à nos questions. Tout était parfaitement documenté, appuyé sur les années de recherches qu’ils ont consacrées à monter leur projet. »
Sarah se rappelle son rendez-vous décisif à La Financière agricole. La veille, elle n’avait pas dormi. Quand elle a enfin eu la confirmation du financement demandé, elle s’est dite soulagée et envahie d’une émotion vive. « Si notre conseillère considérait qu’elle avait simplement fait son travail, pour nous, ça allait bien au-delà. Elle venait de changer nos vies. ».
Au moment où « la chance tournait enfin », une série d’événements se succédaient : un éveil collectif pour l’autonomie alimentaire; l’annonce gouvernementale d’investissements importants dans le secteur serricole; et même la pandémie, qui a fait en sorte que Sarah a pu se consacrer à son projet à temps plein. Pour Sarah, le succès en affaires est parfois aussi une question de timing.
Une entrepreneure de conviction
Dans la dernière année, Sarah et son conjoint se sont occupés à la fois du chantier de rénovation (ils ont entièrement restauré et reconverti en entrepôt une vieille étable à l’abandon), de recevoir et d’installer les équipements et de démarrer des tests sur la production.
Sarah aurait raison d’être à bout de souffle. Au contraire, en plus de ses occupations, elle est active sur les réseaux sociaux et livre une chronique à la radio locale sur les sujets qui lui tiennent à cœur. Sensibiliser la population est crucial pour elle. « Il faut parler des nouvelles formes d’agriculture pour que les gens les découvrent. Moi, j’espère que plein de gens vont démarrer ce type de fermes, et pas seulement les gros joueurs. »
Si son projet d’affaires est exigeant, il ne fait aucun doute qu’il n’aurait pu prendre une autre forme. Il est en parfaite cohérence avec ses valeurs : recycler, donner une seconde vie aux bâtiments, conserver le patrimoine agricole. L’agriculture durable répond à ses préoccupations environnementales, et tout autant à ses convictions en matière d’achat local, d’autonomie alimentaire, d’agriculture innovante.
Après sa première année d’activité, la Ferme Verti devrait entamer toute sa production et envisager déjà la seconde phase prévue de sa croissance, c’est-à-dire la création d’autres fermes sur ce même modèle. Sarah et son conjoint ont une réelle passion pour le développement des affaires. Sarah est réaliste, mais très optimiste. « Il nous faudra être très efficaces, produire aux plus faibles coûts d’exploitation, suivre ce qui se fait en matière d’intelligence artificielle. Mais oui, on peut le faire! », conclut-elle avec un enthousiasme contagieux.
La Financière agricole est fière de soutenir les producteurs de la relève avant-gardistes
Cet article est paru dans l'édition du 22 décembre 2021 dans Le Courrier de Portneuf.